La longue vie à bord, pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois (de 4 à 9 mois selon les différentes compagnies ou les différents contrats) peut sembler propice à générer des tensions (on peut facilement l’imaginer), mais, aussi et souvent dans la majorité de cas, favoriser de réelles amitiés sincères et durables.

Tout le monde a en mémoire la célèbre maxime de Montaigne et La Boétie : » Parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Les expressions d’agressivité et d’animosité ou de repli sur soi faisant place à la sympathie ou de l’empathie : chacun se mettant à la place de l’autre, comme un miroir de ses propres ressentis. Ces émotions sont d’autant plus fortes lorsqu’elles sont partagées en commun lors de barbecues à l’arrière-pont au soleil couchant ou lors du passage de l’équateur comme me le faisait remarquer un marin au long cours.

Les penseurs grecs de l’antiquité, notamment Aristote, se sont intéressés à cette forme d’amour autre que l’éros (le désir charnel dont les formes sont décrites dans le banquet de Platon) : en effet l’amitié (philia)est développée de manière absolue par Aristote dans les livres VIII et IX de l’Éthique à Nicomaque.

La première forme est l’amitié fondée sur l’intérêt :celle qui me procure quelques avantages matériels le plus souvent.

La seconde forme est l’amitié basée sur le plaisir : la joie de partager une activité commune tels des musiciens jouant ensemble.

Enfin, la troisième forme, la seule valable, celle qui est basée sur l’amitié entre gens de bien aimant la vertu (qualité morale), le Bien. Par-delà ces formes d’altruisme, les équipages mixtes, de nationalités, de mœurs, de coutumes différentes, honorent à leur manière celle d’agapè qui est l’amour du genre humain en son universalité.